La Plume : une Monnaie Locale Complémentaire et Citoyenne, un outil de développement territorial pour un Gers plus écologique et solidaire.

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La Plume parle aux Gersois·es

Bulletin moins 9 : la délicate question du numérique

Bulletin initialement paru dans le Journal du Gers.

 

Bonjour à tous et à toutes !

Comme chaque mois, je vous écris pour vous donner des nouvelles du long travail de préparation avant mon lancement – le lancement de votre monnaie citoyenne, la Plume – le 22 février 2022 : plus que neuf mois de gestation !

Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler d’un sujet sensible : le numérique.

L’équipe qui s’active à me faire naître a eu là-dessus, et a encore, des débats passionnés et passionnants.

Monnaie papier ou numérique ?

La première question qui s’est posée, au regard de ce qui se fait pour toutes mes sœurs monnaies locales d’ici et d’ailleurs, était la suivante : serais-je une monnaie papier, une monnaie numérique, ou les deux ?

Dans mon ADN, il y a le respect du vivant, et le lien entre les personnes.

D’abord, si je veux être accessible à tout le monde, et facile à utiliser, il me faut tenir compte de toutes celles et ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’informatique, qui n’ont pas de smartphone, ou qui n’en veulent pas, ou qui ne savent pas bien s’en servir… À toutes ces personnes, je préfère proposer de jolis billets en papier qu’on peut mettre dans sa poche, glisser dans une enveloppe et offrir à ses petits-enfants !

Ensuite, si je veux m’approcher de mon idéal écologique, le papier s’impose. Nous savons bien, vous et moi, que les « nuages » qu’on nous vend, clouds et autres drives, ne sont pas du tout « dématérialisés ». Le papier requiert moins de matériel informatique, moins de composants rares et difficiles à recycler, moins d’énergie pour faire tourner et refroidir les serveurs qui abritent la mémoire électronique, etc.

La sobriété, l’autonomie, l’accessibilité, font pencher ma balance vers le papier…

D’un autre côté, les échanges avec mon grand frère l’eusko, la puissante monnaie basque, m’ont donné à réfléchir. En 2013, il a commencé par exister uniquement sous forme de billets. Lorsqu’il est passé au numérique, en 2017, POUF ! Ce fut comme un coup de baguette magique : le nombre d’euskos en circulation a explosé ! Comme quoi, cela répondait à des besoins : transactions simplifiées entre les entreprises, opérations faciles à faire depuis un téléphone…

De mon côté, je ne cherche pas à être un décalque de l’eusko. Mais je sais que son expérience peut m’être utile. Les membres du collectif se sont parfois demandé si je devais rouler en 2CV, ou en Ferrari : le charme d’une jolie monnaie dans un réseau d’amis unis par de fortes et belles valeurs, ou la puissance d’un large réseau visant à intégrer le maximum d’adhérents, sur le modèle basque ? L’image est assez caricaturale, je vous l’accorde. Mais enfin, vous voyez l’idée ! Aujourd’hui, mes créateurs semblent plutôt d’accord sur le moyen de locomotion qui me convient le mieux : ce pourrait être le train. Le train, oui, ce moyen de transport écologique et collectif, où des personnes d’horizons variés peuvent se rencontrer, échanger, voire nouer des liens… Et j’aimerais bien entraîner tout le Gers dans ce beau voyage ! Alors si le numérique me permet de toucher plus de personnes, s’il facilite mon usage pour certain·es… est-il bien justifié de s’en priver ?

Voilà pourquoi j’ai prévu de naître deux fois : une première fois sous forme de beaux billets papier illustrés, et puis plus tard, car c’est un autre chantier à mettre en œuvre, je revêtirai mes atours numériques…

Des outils numériques, mais lesquels ?

La seconde question est à usage plutôt interne.

En effet, les outils numériques sont nécessaires à ma gestion. Or les bénévoles qui préparent mon arrivée ont des pratiques plutôt variables de l’informatique : il y en a qui en ont fait leur métier, il y en a d’autres qui veulent y toucher le moins possible – car voilà un autre de mes super-pouvoirs : réunir des personnes au-delà de leurs différences… Ce que je peux vous dire, c’est que lorsque le décalage est manifeste, cela occasionne de joyeux fous rires !

Par exemple, pour communiquer au sein du collectif, la voix est l’outil préféré de beaucoup. La vue aussi. Le toucher est un peu proscrit de nos jours ! L’odorat peut être sensible. L’ouïe est utile mais l’écoute, elle, est nécessaire. Et il serait dommage que le tout numérique, bien que pratique, prenne le pas sur la qualité de leurs échanges, n’est-ce pas ? Alors, il faut chercher un équilibre, des fonctionnements qui puissent convenir à tous et toutes. Essayer, en somme, de ne prendre que le nécessaire, et si possible, le meilleur du numérique.

Pour ma part, je me réjouis des valeurs qui guident leurs choix : leur préférence va à des outils libres et responsables, éthiques et respectueux des usager·es. Et le plus simple pour respecter ces valeurs, c’est de se tourner vers ce que l’on appelle les logiciels libres1.

Quelques exemples ? Voici les outils qui ont été sélectionnés par la COIN, la COmmission INformatique du collectif :

  • Pour échanger en interne, le choix a été fait d’une liste de diffusion et une messagerie instantanée hébergées par Framasoft2. Adiou Whatsapp ou Messenger, vive Framalistes et Framateam !

  • Lorsqu’une visioconférence est nécessaire, cela se fait grâce à Jitsi Meet, un logiciel libre et sécurisé. Et nul besoin d’installer une application, il vous suffit de cliquer sur un lien et c’est parti ! Simple et pratique, non ?

  • Tous les documents qui me concernent sont stockés dans un espace de partage géré par ARN, une association membre du collectif CHATONS3 qui vise à créer un Internet plus respectueux des individus.

  • Pour s’organiser et gérer tout ce qu’il y a à faire (et il y en a ! quel travail, croyez-moi !), c’est encore un logiciel libre, Kanboard, qui recense les différentes tâches et permet de savoir qui fait quoi.

En bref, en tant que monnaie citoyenne, j’ai à cœur de favoriser des usages responsables, de libérer mes adhérent·es de ces géants du numérique qui font commerce de nos données et de notre attention, et ainsi, de remettre les outils à leur juste place : au service de l’humain. Voilà l’état de mes réflexions… Aviez-vous imaginé toutes ces questions dans ma tête de linotte ?


 

Allez, pour conclure ce bulletin, quelques mots sur le futur proche. Comme l’on sort du confinement, je vais enfin pouvoir partir à votre rencontre sur le territoire ! J’ai entendu parler d’une conférence de presse, de réunions publiques, de rencontres avec les élus… Vous aurez bientôt d’autres nouvelles de votre monnaie préférée !

Plume pour vous tous,

Plume pour vous toutes !

1- Qu’entend-on par là ? Qu’ils sont libres comme l’air ? Pas tout à fait : disons plutôt que, nous, leurs utilisateurs, restons libres ! Libres de les utiliser comme bon nous semble, libres de comprendre leur fonctionnement, libres de les modifier à notre guise.

2- Framasoft est une association d’éducation populaire au numérique défendant un monde numérique émancipateur, notamment grâce à la promotion des logiciels libres.

3- Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires.

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